L'argument du Le Lac des cygnes est le fruit d’une longue élaboration issue d'un faisceau de traditions populaires. L’histoire n’est guère fixée et c’est probablement le ballet qui subit le plus de changements au gré des diverses versions : fin heureuse ou malheureuse, identité du méchant Rothbart, présence ou non de l’ami du prince, Benno… Une lecture rapide de l’argument proposé permet de voir qu’il n’y a pas de forme définitive au conte, bâti sur une trame modulable, mais dont la cohérence reste rigoureuse.
En effet, contrairement à d'autres ballets, il n’existe pas d’oeuvre dont Le Lac des cygnes serait adapté, ni de livret écrit par une personnalité littéraire. Le livret, qui pourtant existe, prête à controverse et a fait l’objet de plusieurs versions. Élaboré par le dramaturge moscovite Vladimir Beguetchev et le danseur Vassili Guelster, probablement à la demande de Tchaïkovski, l’argument de 1877 tel qu’il a été publié ne comportait pas de nom d’auteur et a fait depuis l’objet de nombreux remaniements et adaptions .
On considère que c’est Tchaïkovski lui-même qui est à l’origine de l’argument du ballet, que l’on rapproche souvent de sa vie personnelle et notamment de son homosexualité refoulée. Comme le note le critique Marcel Schneider : « Rien ne convenait mieux à sa sensibilité et aux chimères de son esprit qu’une histoire légendaire et fantastique : il pouvait y exprimer tous ses tourments sans être infidèle à lui-même et sans choquer le public de son temps. » Selon ce critique, le compositeur aurait emprunté l’intrigue et les thèmes principaux à son propre opéra, Ondine, qui venait d’être refusé par le Bolchoï , lui-même adapté d’un conte romantique de Lamothe-Fouqué . Marcel Schneider mentionne ce même conte, qui a été traduit en français dès 1817, comme source d’inspiration probable de La Sylphide . Ainsi, ces deux œuvres, dont les genèses sont pourtant très distinctes et éloignées géographiquement dans le temps, ont la même lointaine origine.
Cependant, s’il n’y a pas à proprement parler de source littéraire « canonique» au Lac, on peut convenir avec Marcel Schneider que « l’histoire du Lac des Cygnes telle que nous la raconte la ballet n’est pas née en un jour. Elle rassemble tout un faisceau de contes et de légendes, (…) [auxquels] la personnalité de Tchaïkovski a donné une unité qui ne la rend pas moins complexe. ». Un autre historien de la danse écrit à ce sujet :
« Il a fallu presque vingt ans et trois versions chorégraphiques pour que l’histoire – du moins sa trame- soit définitivement fixée. Entre-temps, le compositeur a largement modifié la partition, au point que, pour ce ballet plus que d’autres, la notion de « version originale » relève largement de l’utopie . »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire