Comparer le romantisme littéraire et le romantisme en danse conduit nécessairement au problème de la non coïncidence des styles.
Ainsi, le romantisme désigne avant tout, en danse, une notion restreinte qui désigne un style chorégraphique précis, indissociable du « ballet blanc » et de sa figure incontestée : la ballerine romantique, qui est l’image que nous avons peut-être le plus communément de la danseuse. Il est étroitement lié à deux inventions majeures : l’utilisation chorégraphique des pointes et le port du tutu. Il va donc sans dire que dans l’histoire de la danse, le romantisme, loin d’être anecdotique, est une révolution. Comme l’écrit Balanchine : « In western Europe of the 1830s, the supremacy of italian dance technique combined with the Romanticism that dominated the other arts of the time to produce a new kind of ballet[2] » Les historiens de la danse s’accordent sur la dénomination de ballet romantique en ce qui concerne La Sylphide et Giselle. Pour Le Lac, ils préfèrent parfois les notions de classicisme ou d’académisme, cela dans le but de noter la nette différence de style chorégraphique qui peut exister entre l’école dite « française » des années 1830-1840 et l’école russe de la fin du siècle, marquée par la personnalité de Marius Petipa. Néanmoins, Le Lac est sans conteste un ballet romantique, si toutefois on ne l’envisage pas dans son sens le plus restreint, qui, temporellement, se resserrerait autour de 1830 : le romantisme en danse est aussi culturel. Et cette culture provient de sources littéraires. Comme l’écrit l’historien de la danse Ivor Guest : « In its origins Romnaticism was a literary movement, and every art-form it touched was to be strongly influenced, in one way or another, by literary sources[3] »
En effet, Le « ballet blanc », comme on nomme parfois de façon un peu approximative le ballet romantique, exprime des préoccupations clés de l’époque. On y retrouve la thématique fantastique et poétique du romantisme de Gautier et Nerval, bien sûr, mais aussi de Chateaubriand, Hugo, Baudelaire ainsi que quantité d’autres prosateurs mineurs du registre fantastique. Mais surtout, d’un point formel, il illustre l’idée de rupture, fondamentale à notre sens, dans l’esthétique romantique. C’est en ce sens élargi que je souhaite employer le terme de « romantisme », comme dominant, sous diverses formes, tout le dix-neuvième siècle, au sens où l’entend par exemple Bénichou lorsqu’il définit la « foi romantique » comme « l’ambition de relier le terrestre à l’humain et à l’idéal[4] ».Comment les motifs romantiques du XIX ème siècle sont-ils « entrés dans la danse », avec quelles implications ? En quoi la danse a-t-elle été une forme privilégiée pour les exprimer ?
Des trois œuvres, une seule, Giselle, a l’incontestable « caution » littéraire de Gautier, qui y a collaboré en tant que librettiste, et bien plus peut-être, en tant qu’inspirateur. Mais les trois font intervenir un réseau d’images et d’idées largement formé par le climat littéraire véhiculé par le romantisme du siècle, en particulier le romantisme allemand.
Les ballets sont généralement le fruit de d’une collaboration entre plusieurs talents, dans des domaines différents. C’est en ce sens que l’on peut dire , et ce de façon très générale, que le ballet, plus que tout autre art, synthétise une pensée où un courant, ce qui fait de La Sylphide ou de Giselle des événements marquants dans l’esthétique romantique envisagée d’un point de vue culturel. Aisni, Ivor Guest peut écrire que La Sylphide fut « as momentous a landmark in the chronicles of the Romantic art as “The Raft of the Medusa” and “Hernani”[5].”
J'ai consacré, il y a fort longtemps mon mémoire de maîtrise à ce sujet...
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